Tango tatouage, 2015


 « Je regarde la pampa défiler par la fenêtre d’un train. Je suis un passager qui s’efforce de ne pas dérailler.
          Soudain, au-dessus de cette plaine qui semble infinie, une nuée d’oiseaux attire mon attention. L’instant d’après, les oiseaux forment une file, se dirigent vers le soleil et plongent dans sa lumière. Juste pour faire partie de la beauté fulgurante de cette vision, j’aimerais être parmi eux à cet instant précis, loin, très loin des ombres qui hantent mes pensées.
          Même si le soleil brille, des nuages s’amoncellent dans le bleu dense du ciel. On dirait des reflets purifiés des amas de terre grisâtre qui s’étendent jusqu’à l’horizon. Dans cette étendue en apparence désertique, surgissent pourtant des touffes d'herbe d'une verdeur surprenante.   
          Des chevaux blancs, bruns et noirs apparaissent ici et là, détendus. On ne saurait dire s’ils font partie d’élevages ou s’ils vivent à l’état sauvage.
          Rien ne semble délimiter ce vaste territoire chargé d’énergie tellurique.          
          Aucune clôture.
          Aucune affiche.
          Je sors mon caméscope pour capter ce paysage fuyant, sur lequel je ne peux toutefois projeter tout ce qui me passe par la tête en même temps : les souvenirs de Buenos Aires, encore brûlants, et les réflexions sur mon séjour dans cette ville. À l’opposé, je ne pourrais non plus, même si je tentais de tout oublier en plongeant mon regard dans le décor en mouvement par la fenêtre, effacer de ma mémoire les images et les pensées chargées de questions qui me poursuivent au rythme du train.
          Je me sens tatoué de l’intérieur, au son d’un tango aussi doux que déchirant. »

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